Le rake - ou comment les sites de poker gagnent de l’argent
Il faut tout d’abord différencier les prélèvements en tournois et en cash game, la méthode de prélèvement étant complètement différente. Passons rapidement sur les tournois, le plus simple à comprendre avant de développer plus largement les parties d’argent réelles ou cash game.
Les prélèvements des tournois ou "Fees"
En vous inscrivant à un tournoi, vous payez votre inscription. Mais sur cette somme, seule une partie sera redistribuée aux joueurs. Par exemple, vous payez un total de 11 $ pour un tournoi à 10$+1$, c'est-à-dire que la salle de poker en ligne garde 1 $ de frais.
Si 300 joueurs se sont inscrits au tournoi, sur les 3 300 $ d’inscription, 3 000 $ seront donc redistribués aux joueurs et constitueront le prize pool, tandis que 300 $ seront gardés par le site.
Les frais des tournois sont généralement aux alentours de 10% du montant de leur buy-in. Cependant plus le prix de l’inscription est élevé, plus le pourcentage a tendance à diminuer. Malgré tout, le prélèvement des sites de poker représente des montants élevés sur les gros tournois.
Le prélèvement en cash game ou "Rake"
Dans les parties d’argent réelles, les choses sont un peu compliquées... Il est ainsi parfaitement gratuit de s’asseoir à une table. Si vous vous asseyez par exemple avec 100 $, rien ne vous sera prélevé au début de la partie, ni au cours des mains où vous ne serez pas impliqué.
Cependant dès que vous miserez, une partie de vos mises sera gardée par le site. Il existe quelques exceptions mais la règle générale est un prélèvement de 5%, jusqu’à un maximum de 3 $.
Par exemple :
. Dans un pot de 10 $, 9,5 $ seront donnés au gagnant et 0,5 $ gardés par la salle.
. Dans un pot de 50 $, 47,5 $ seront donnés au gagnant et 2,5 $ gardés par la salle
.
Dans un pot de 1 000 $, 997 $ seront donnés au gagnant et 3 $ gardés par la salle.
Ainsi le vainqueur d’une main, au lieu de recevoir la totalité des mises, voit une petite partie du pot amputée des frais pris par le site. Cela peut donner l’impression que seul le gagnant paye le rake mais celui-ci est bien, en réalité, financé par l’ensemble des joueurs dans la main, à hauteur de leurs mises respectives.
Dans la majorité des cas, les sites pratiquent le "no flop, no drop", c'est-à-dire qu'aucun rake n'est prélevé quand une main ne va pas jusqu'à l'affichage du flop. En revanche, un rake est en général perçu quand deux joueurs partagent le pot.
Le rake peut sembler élevé. Mais il sert à financer les coûts des opérateurs, sachant par ailleurs qu’une large partie en est redistribuée aux joueurs sous forme de tournois gratuits (freerolls), de "rake races", de programmes de fidélité, de bonus, de rakeback...
L’importance du rake dans les parties de cash game
Dans les parties de taille moyenne, par exemple en NL50 ou NL100, on considère qu'un bon joueur présente des résultats égaux ou supérieurs à 5BB/100 (c'est-à-dire qu’en moyenne, toutes les 100 mains, le joueur aura gagné l'équivalent de cinq Big Blinds).
Beaucoup de joueurs oscillent cependant plutôt entre -3BB et +3BB, c'est-à-dire qu’ils sont légèrement perdants ou légèrement gagnants.
Le graphique suivant montre la répartition des gagnants/perdants au poker, sur un vaste échantillon représentatif.

Sans surprise, la majorité des joueurs se retrouve autour de 0. En NL50, là où proportionnellement le rake est le plus élevé, le prélèvement va représenter entre 5 et 7 BB.
Un joueur perdant de 3BB en NL50 serait donc en fait gagnant - entre +2 et +4BB/100 mains - si le rake n'existait pas !
Plus vous jouez haut, moins le rake est important
La limitation du rake à 3 $ a une conséquence. Plus les parties ont des enjeux élevés, moins le rake prélevé est important en proportion.
Prenons deux exemples extrêmes :
. Dans un pot de 60 $, le rake est de 3 $ - soit 5% du pot
. Dans un pot de 10 000 $, le rake est toujours de 3 $ - représentant seulement 0,03% du pot !
Les joueurs les plus touchés par le rake, par rapport à leurs gains et leur activité, sont donc les joueurs de moyennes limites, d’où l’importance pour eux de négocier un bon rakeback.
Les différences de rake dans les parties et entre les opérateurs
La règle générale est comme nous l’avons vu de 5% jusqu’à 3 $. Il existe cependant une exception importante pour les tables de cash game : les parties de head’s up.
En effet, les joueurs étant impliqués dans toutes les mains, un rake de 3 $ ruinerait les chances de finir gagnant, même pour le plus brillant joueur du monde.
Aussi, selon les sites, le rake est dans ce cas limité à 1 $, ou même 0,50 $, par main.
Chaque opérateur suit ensuite les mêmes grandes lignes pour le calcul. Cependant des différences existent dans les méthodes, certains appliquant le rake dès le premier cent, d’autres étant un peu moins gourmand. Au final on obtient le graphique comparatif suivant.

On constate que Pacific Poker en NL50 est la salle la plus chère, tandis que le réseau Ipoker prend le rake le moins élevé. La différence est importante puisqu’elle est de 2BB par 100 mains, de quoi faire passer un joueur de "légèrement perdant" à gagnant !
On peut également retrouver dans ce graphique ce que nous avions évoqué précédemment, à savoir qu’en proportion le rake descend très rapidement à mesure qu’on progresse en limite.
De l’influence du projet de loi français
Initialement, le projet de loi d'ouverture du marché du jeu en ligne français prévoyait de prélever 2% sur l’ensemble des mises, qu’elle que soit le montant de celles-ci.
Ce projet présenterait alors un vrai risque de perturber le fragile équilibre du poker en ligne, en particulier pour les parties de hautes limites, pour lesquelles les prélèvements étaient jusqu'alors limités. Les différences de niveaux entre les joueurs étant largement plus faibles dans ces parties, 2% de taxe supplémentaire suffiraient à rendre impossible pour un joueur régulier de finir positif.
Quelques exemples de joueurs (chiffres réels) :
. Joueur de NL10 : 220 215 mains jouées, 35 073 $ de mises, 1 322 $ de rake, 701 $ de prélèvements par l’état (soit 53% du rake)
. Joueur de NL50 : 7 344 mains jouées, 7 891 $ de mises, 292 $ de rake, 157 $ de prélèvements par l’état (soit 53% du rake)
. Joueur de NL200 : 19 796 mains jouées, 135 217 $ de mises, 3 202 $ de rake, 2 704 $ de prélèvements par l’état (soit 84% du rake)
. Joueur de NL600 : 23 969 mains jouées, 403 619 $ de mises, 4 266 $ de rake, 8 072 $ de prélèvements par l’état (soit 1,90 fois le rake)
. Joueur de NL2000 : 43 686 mains jouées, 4 849 157 $ de mises, 6 623 $ de rake, 96 983 $ de prélèvements par l’état (soit 14,6 fois le rake)
. Joueur de NL20000 : 2 698 mains jouées, 2 103 159 $ de mises, 772 $ de rake, 42 063 $ de prélèvement par l’état (soit 54 fois le rake)
Comme on peut le voir, plus les enjeux sont importants, plus le prélèvement voulu par l’état est déconnecté de la réalité du poker. Pour les joueurs de high stakes, NL2000 ou NL20000, les taxes atteindraient plus de 50 fois le montant des frais perçus par le site de poker !
Fort heureusement, le projet de loi, qui est actuellement débattu par différentes commissions parlementaires, semble s'orienter vers un principe différent (2% des pots, cappé à un euro), qui paraît largement plus raisonnable. Reste à savoir qui paiera réellement cette taxe : les sites, acceptant de réduire leur marge, ou les joueurs, pour qui le rake sera donc majoré...
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