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Ces derniers temps ont été particulièrement rudes pour le milieu du poker français : entre la disparition du PPT (un tournoi que j'affectionnais particulièrement), le double discours de la Justice quant à la fiscalité et les affaires de triche qui agitent toutes les conversations, les sonnettes sont au rouge et une ambiance pesante plombe le milieu.
Si je prends la parole aujourd'hui, c'est que j'estime pouvoir le faire de part mes 15 ans sur le circuit pro et 25 années passées dans le milieu. Et parce que je peux le faire librement, ici, sur www.madeinpoker.com.
Je n'évoquerais pas le problème du fisc autrement qu'en implorant le système français d'enfin créer un statut de joueur "professionnel" avec une législation précise, comme cela existe aux USA où j'ai vécu de longues années. Ayant ensuite déménagé à Londres il y a trois ans, j'ai été spectateur de situations tout à fait injustes où des joueurs restés en France sont sur le point de payer le prix fort. Il est temps que le gouvernement examine le dossier et qu'une loi soit votée en urgence pour clarifier le statut des gagnants réguliers : on ne peut continuer à demander à des joueurs preque l'intégralité de leurs gains, le tout basé sur des textes paradoxaux et dans le flou le plus total. C'est inadmissible et c'est tout un business qui en pâtit cruellement (il n'y a qu'à voir le nombre de joueurs aux EFOP où le nombre de joueurs qui, à Deauville, disaient "qu'ils étaient qualifiés et donc, qu'ils devaient jouer mais qu'ils espéraient juste ne pas trop gagner")
Quant au sujet de la triche, c'est un problème différent, mais dont les répercussions sont aussi violentes, sinon plus. Le milieu n'a eu de cesse de souffrir, à tort ou à raison, de sa mauvaise réputation, image véhiculée par les médias généralistes, les films qui n'ont que des clichés à offrir, des histoires d'arrière-salle vieilles de 20 ans ou, plus simplement, de la réalité de certains faits.
Alors quels sont ces faits ? La première des choses, c'est que oui, le milieu est composé d'amateurs, de millionnaires, de qualifiés sans le sous, de dealers qui débarquent avec leur banane remplie de billets de 20 euros, de passionnés de poker qui ont lu tous les livres sur le sujet, d'érudits, de commerçants, de businessmen du monde entier et cela inclut des Corses, des Marseillais, des Italiens, des Russes, des Chinois... C'est comme ça depuis la nuit des temps, ce n'est ni bien ni mal, c'est un état de fait et ça ne changera pas.
Sauf que dans le monde pourri dans lequel on vit aujourd'hui, que l'on ne vienne plus me parler de la tenace image d'immoralité du poker... Pour moi, un banquier qui conseille un placement foireux à un ouvrier qui a trimé toute sa vie et mis toutes les économies dans une maison qu'il va perdre est un criminel. Un businessman qui choisit par souci d'économie de faire naviguer un super-tanker vieux comme la mort et qui décime, après naufrage, toute la faune et la flore d'une région côtière entière, est un criminel. Un homme en col blanc qui décide de valider, contre pot-de-vin, un médicament inefficace et dangereux mais vendu comme un remède miracle, est un criminel. Un ingénieur qui décide de gaver des gels douches de conservateurs cancérigènes est un criminel. Et la liste pourrait être très longue... Je ne dis pas que la médiocrité du monde dans lequel on vit est une excuse pour tout ce qui va mal, mais tout de même, à un moment, il faut relativiser...
Passons désormais à notre sujet. Je pense être connu pour être une personne particulièrement intègre. Et par intègre, vous pouvez traduire par "particulièrement chiante avec les règles". Je suis le premier à être outré quand elles sont bafouées ou quand elles ne sont pas les mêmes pour tous. Je ne compte pas le nombre de fois où, en cash game ou lors de petits/moyens tournois par exemple, le floorman sortait quelque chose comme "Désolé, je comprends mais bon, soyez cool..." ou "Oui, mais ici vous n'êtes pas chez vous, eux si" ou "Ecoutez Monsieur Machin, pour cette fois, ça passe mais ne recommencez pas hein" (avec un petit sourire en coin très énervant) etc... Ce qui a toujours eu l'art de me faire péter les plombs.
Et c'est à mes yeux là que se situe le cœur du problème : la non-généralisation des règles et des mesures de sécurité pour empêcher toute forme de triche ou de décision de floorman qui soit borderline. Aux USA, un bon tournoi de poker ne s'organise que dans des conditions de sécurité maximum, avec par exemple un nombre de caméras adapté ou des floors très briefés. C'est parfois d'ailleurs un peu lourd, puisque les décisions peuvent être prises en dépit du bon sens "parce que c'est marqué comme ça dans mon manuel des rêgles donc ce ne sera pas autrement". Sauf que tout le monde sait où il en est, au moins un minimum. Après, si un mec veut venir avec une panoplie de James Bond, avec des complices et tout le reste, et bien je suppose malheureusement qu'il pourra toujours le faire... Mais bon, au moins, un cadre adapté est fixé.
De manière générale, le problème du poker est qu'il se joue entre humains. Pas entre le casino et le joueur. D'où l'absence de mesures de sécurité renforcées ; normal, le casino porte bien plus d'attention à sa sécurité pour les jeux de table "traditionnels" qu'à la sécurité des joueurs de poker... Regardez le nombre de caméras et la qualité du dispositif anti-triche qui est mis en place par le casino autour d'une table de blackjack ou de roulette avec de gros enjeux, et vous comprendrez la difference, car dans ce cas, le casino risque de perdre « son » argent !
Mon point ici est que de tout temps la triche a existé et que malheureusement elle existera toujours ; pas la peine de faire les surpris ou les offusqués, l'humain est humain et si certaines personnes se sentent sales et honteuses à l'idée de tricher, certaines autres n'y voient aucun problème. C'est donc à mon avis aux casinos de prendre leurs responsabilités pour renforcer toutes leurs mesures de protection des joueurs, mais c'est aussi aux joueurs de garder les yeux bien ouverts en permanence...
Attention, mon intention n'est absolument pas de blâmer certains casinotiers. Je pointe juste du doigt le fait que leur gentillesse et/ou leur complaisance face à leurs bons clients peut parfois conduire à un certain laxisme ou des œillères inadaptées à la nature roublarde de certains joueurs. Hors le joueur de poker, qu'il soit pro ou amateur, a justement envie de franchir les portes d'un casino ou d'un cercle afin de bénéficier d'un cadre sécuritaire et intransigeant, bien loin de certaines parties privées. Il faut donc réussir à jongler, à mon sens, entre autorité et rigueur d'un côté et chouchoutage du client de l'autre. Je n'ai pas dit qu'il s'agissait de quelque chose de facile, mais je pense qu'il s'agit du nœud majeur de pas mal de problèmes. Un joueur honnête ne pourrait que se réjouir de la rigueur et de l'intransigeance d'un organisateur de tournoi en face de lui ; c'est tout simplement les bases d'un cadre rassurant et, au sens plus large, les bases solides d'une future réputation dans le milieu..
Et je souhaiterais au passage rappeler que jouer online et communiquer sa main via msn ou skype à un de ses potes à la même table n'est pas "un truc fun et normal" non plus (ça m'est évidemment arrivé d'entendre deux geeks en parler avec détente et innocence... Ou de parler plus simplement du fait de jouer côte à côte à la même table de cash en voyant leurs cartes respectives...). Car que je sache, la pratique existe même si les opérateurs font leur maximum pour lutter contre cela, et je pense que de nombreux joueurs online ayant fait des commentaires outrés sur les récentes histoires de triche ont la mémoire courte... ("Tiens, je sors 15 minutes, tu peux jouer pour moi ?", "T'es sur quelle table, attends j'arrive") C'est donc aussi le devoir des rooms online, de façon générale, d'être aussi vigilantes qu'impitoyables. Ce devrait également être la responsabilité de l'ARJEL, désignée comme haute-autorité (seule autorité?) du le milieu, d'imposer et de créer des moyens de contrôle adaptés et efficaces...
Étant donné que je suis dans le milieu depuis longtemps, en effet, je ne nierais pas que j'ai eu vent de nombreuses histoires. Sauf que non seulement je ne cherche pas à les entendre, mais en plus, je préfère ne jamais en parler. J'ai toujours tracé ma route au milieu, en tentant de ne jamais flouer personne. En revanche, quand on me demande mon avis sur un sujet précis, je suis toujours disponible pour le donner. Il y a tout simplement des personnes que j'ai donc appris à éviter et surtout, beaucoup que j'ai vu tomber.
Parce que voilà en quoi je crois : tremper dans des affaires malhonnêtes ne finit jamais bien. On se fait soit rattraper par les personnes que l'on a floué, soit par la Justice, soit par d'autres problèmes collatéraux. Pour durer, rien de tel que la rigueur personnelle et la discipline. Les gens malhonnêtes, il y en a comme dans tout milieu mais je ne suis pas Batman et je ne compte pas faire le justicier masqué avec une cape et des oreilles pointues. Je préfère donner mon opinion en privé, orienter certaines décisions, faire en sorte de faire pencher la balance du bon côté tant que possible et au final, suivre Lao Tseu : "Si quelqu'un t'a offensé, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord de la rivière et bientôt tu verras passer son cadavre".
Ce qui ne marche pas toujours, je le confesse... Mais bon, c'est la direction (plus zen) que j'ai toujours cherché à prendre...
Pour améliorer l'image du poker, il est donc vital que chacun, à son échelle, tente d'améliorer son propre comportement et celui de son entourage. De même, il est vital que les casinotiers pensent à renforcer leurs dispositifs de sécurité, en faisant appel, par exemple comme ça se fait pour d'autres jeux de casino, à des tricheurs pros qui pourraient avoir un œil nouveau et efficace pour sécuriser un tournoi ou des parties de cash game dans leurs murs.
Mais c'est avant tout par nous, joueurs amateurs ou pros, que l'image du poker passe. Donc c'est aussi à chacun de balayer devant sa porte, de se regarder dans la glace et de faire en sorte que le milieu soit le plus sain possible. Je ne vais pas dire que « le milieu soit le plus sportif possible » parce qu'avec les histoires de dopage du moment, ce ne serait pas la meilleure comparaison...
Il est évident que certaines histoires, qui touchent soit le business soit des joueurs, vont ressortir un jour. Parce qu'il y en a au moins autant (mais pas forcément plus) que dans la pub, l'industrie du pétrole, du bâtiment, du cinéma ou de la mode. Partout où il y a de l'argent et du business, des gens choisissent de prendre des routes transversales. C'est comme ça.
Certaines affaires doivent en revanche rester privées à mon sens, car soit elles ne cassent pas trois pattes à un canard (à un moment il faut relativiser), soit elles se doivent d'être gérées en interne pour de nombreuses raisons, dont l'image publique d'un milieu tout entier. En effet, dire tout et à tout le monde peut donner lieu à des discussions enflammées, façon "brûlons-les tous", des propos déformés et sortis de leurs contextes et des accusations directes, bien loin de la présomption d'innocence. Ce qui me déplaît fortement.
Maintenant, notre milieu est également composé de nombreuses personnes de qualité, qu'elles soient humaines, professionnelles et souvent les deux à la fois. Il y a en effet de nombreuses personnes sur le circuit dont j'apprécie la compagnie et avec qui j'aime travailler ou, tout simplement partager un café, qu'importe leurs défauts (quoique avec l'expérience, j'ai tendance à éviter les truands, les assassins, les hypocrites, les menteurs, les fourbes, les lèche-c*l, les fous, les radins maladifs, les langues-de-p*tes etc...).
De même, il y a aussi des personnes avec une vraie conscience professionnelle, une envie de faire les choses biens et de tirer le milieu vers le haut, des personnes qui connaissent la valeur de l'intégrité, de l'honneur, de la générosité ou de la parole. Et ce sont ces personnes que j'ai envie de voir prendre le pouvoir dans le poker. A chacun d'entre nous désormais, dans le milieu pro surtout, de prendre nos responsabilités, de se regarder dans le miroir et de voir qui nous avons envie de pousser et qui nous avons envie de laisser sur le côté. Il en va de l'avenir de l'image de notre milieu et donc, de notre gagne-pain et de notre passion à tous.
Je préciserais pour finir que ce billet concerne la notion d'intégrité et d'honnêteté dans le business à un niveau beaucoup plus large et vaste que l'"affaire" du moment qui a servit de détonateur à tout le stock de dynamite derrière... Je n'ai pas donné, par choix, mon avis dessus ; non seulement ça ne changerait rien mais en plus, je n'estime pas avoir tous les éléments pour le faire.
De toute façon, le débat a déjà pris une ampleur beaucoup plus large et c'est uniquement cette dimension qui m’intéresse. Donc vous l'aurez compris, la balle est dans votre camp, notre camp à tous : balayons déjà devant votre porte avant de balayer celle du voisin. Et faisons en sorte que notre milieu ne devienne pas une nourriture à journaux à scandales. C'est une question d'intelligence : on a tout à y gagner. Ou bien trop à y perdre...
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[Crédit photo : Club Poker]
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J'ai arrêté de fréquenter certaines tables de casino français face à la répétition des faits suivants :
Je me retrouvais souvent à des tables de cash game (250 ou 500) ou une partie de la table joue quotidiennement ensemble.
A ces tables, de nombreux joueurs pratiquent le soft play entre eux et bénéficient de la complaisance du dealer lors d'atteinte au règlement de la table.
Vous vous retrouvez souvent avec la désagréable impression de jouer face à 4-5 joueurs en collusion.
Par ailleurs, certaines tolérances sont pratiquées à leur égard : sorties de table et retours acceptés, décaissement de jetons alors même qu'ils participent à la table, changement de place, accès prioritaire pour entrer à la table avant les joueurs en attente....
Ces pratiques sont un véritable problème pour le jeu qui devrait être exemplaire dans ces établissements.
Le problème étant que ces joueurs réguliers, parfois de bon niveau, font "vivre" le casino et les tables de poker.
Ils assurent pour ainsi dire l'animation des tables du casino et la direction du casino, à ce titre, préfère fermer les yeux sur les comportements et pratiques borderline.
C'est particulièrement frappant à Cannes, à Cassis.
Concernant les tournois organisés dans les casinos, j'ai aussi été frappé de voir que certains joueurs out du tournoi étaient autorisés à polluer la table finale par leurs commentaires et leurs échanges avec certains proches à eux en cours de jeu.
J'ai fait plusieurs fois la remarque au responsable du tournoi, sans réel effet.
Tant que les casinos français n'auront pas instauré un cadre sécurisant et affirmé leur exemplarité, le poker souffrira en France d'une image négative auprès du public mais aussi et surtout de la communauté des joueurs.
Si on conjugue ces pratiques clientélistes à la crise et à la fiscalisation surréaliste du moment, on comprend la désaffectation actuelle des tables et des tournois organisés en France.