La théorie du palmier dans le désert est ma façon mi-scientifique mi-humoristique de whiner officiellement sur mon absence de résultat, tout en me consolant avec l’idée qu’au moins, je ne fais pas dans la demi-mesure. En effet, pour les WSOP 2011 par exemple, je n’avais fait aucun ITM mais au milieu du néant, voilà que je shippais un bracelet...
Et là, sous le soleil de Californie, voilà que le WPT Los Angeles appuie la théorie une fois de plus. Après six mois de bad run sans aucun ITM, je remporte le NLHE Shorthanded à 2 000$, d’un coup, comme ça, sans prévenir… Un joli palmier !
Je plaisante évidemment mais j’ai quand même du mal à comprendre cette dynamique que je subis par cycle depuis des années. Les derniers mois ont été difficiles à vivre car un bad run nuit à tout et surtout à la confiance et donc au jeu : on joue en ayant inconsciemment peur de ce qui va se passer ("Tiens, j’ai les As, comment va-t-on me les craquer cette fois ?"). De même, on dort moins bien, on est plus stressé, plus nerveux aussi, et chaque tournoi devient une épreuve dans laquelle on s’engage fleur au fusil mais avec la crainte d’une déception qui semble inévitable.
C’est donc avec une grande surprise que je me suis vu chip leader du début à la fin de ce side du WPT Los Angeles qui offrait un field des plus hardcore, rendant la victoire plus sympathique encore... Je me souviens toutefois m’être assis dans ce tournoi avec la rage ; genre cette fois, sois je saute de suite, sois je les fais devenir chèvre. Et, par miracle, ils ont rapidement bêlé...
J’ai le souvenir de m’être particulièrement amusé pendant ce tournoi dans un format que j’adore, le six max, six à table, provoquant par définition beaucoup plus d’action qu’en full ring. J’ai le souvenir aussi de m’être étonné de ne pas avoir perdu un gros set up ou de ne pas perdre un gros 80/20 préflop. Tout roulait plutôt bien. Je n’ai pas outdraw les autres joueurs mais j’ai runné good si l’on prend en compte le timing de la majorité de mes rencontres.
J’ai été surpris par le niveau de ce tournoi et la qualité de la structure offerte aux joueurs. Si on regarde par exemple la composition de la table finale, il n’y avait pas un spot d’argent mort. C’est le hic aux USA lors des semaines de gros tournois : les joueurs ayant un très bon niveau sont légion. En table finale, il n’y avait pas un seul jeton qui allait dans le pot sans avoir la côte et pas un qui y allait en étant derrière ou en voulant gambler. On aurait dit que les mecs étaient assis sur des coffres-forts et qu’il était impossible de les braquer à la dynamite.
J’ai donc décidé d’être très patient, de leur gratter quelques coups mais d’attendre surtout les bons spots de bluffs ou de value. Inutile de tenter des gros moves trop souvent à ces tables ; c’est le meilleur moyen de perdre gros. Car ce sont des adversaires "coffre-fort", certes, mais des coffre-fort qui vous paient avec hauteur quand ils vous sentent en slip… En bref, après plusieurs heures de lutte, de good play et de good run me voilà assis aux côtés de Matt Savage pour l’interview du vainqueur, le tout avec dans les mains un trophée de cowboy en bronze massif (que j’ai du laisser à Matt, histoire de ne pas plomber ma valise)…

"Thanks a lot Matt Savage for this amazing structure!"
Le soulagement est immense. Juste immense. Quand on ne fait pas de résultat pendant plusieurs mois en jouant autant de tournois que j’en ai joué, on se demande forcément si on continuera à rater sa cible à vie : #whenwillitend comme dirait ElkY… Et là, d’un coup, la bouffée d’air…
C’est donc le cœur léger que nous avons pris la route avec Claire pour San Francisco en passant par Santa Barbara (la Suisse Californienne) où nous avons rendu visite à notre amie Kara Scott, Carmel (un village de gens très riches perdus dans la nature et dont le maire est Clint Eastwood), San Francisco (incroyablement roots, mais avec beaucoup d’authenticité et de diversité), Sausalito, où la vie semble très douce - et où on trouve par exemple l’un des meilleurs restos japonais des USA, Sushi Ran (à ne pas manquer si vous passez dans le coin) ! avant d’arriver à San José pour le WPT Bay 101 à 10 000$ (où je dois dire, l’on mange beaucoup moins bien…)
Je ne sais toujours pas comment j’ai fait pour faire ITM dans ce tournoi, ce qui au passage détruit complètement ma précédente théorie du palmier puisqu’il ne s’agit pas d’une perf’ mais d’une semi-perf’. Mais sur le moment, je dois avouer que la route a été encore plus dure que de gagner le tournoi à Los Angeles.
En effet, je faisais partie des 50 joueurs bounty, ce qui signifiait qu’il y avait 5 000$ sur ma tête pour celui qui allait m’éliminer. Un rêve en début de tournoi pour monter des jetons si jamais on touche du jeu (le bounty changeant les côtes, les adversaires paient gaiement tout du long avec des ventrales ou des under paires) mais un cauchemar si on n’en touche pas. Dur dur de jouer sans bluffer un seul coup…
Résultat : j’ai lutté comme un fou en ayant toujours moins que la moyenne. En effet, à chaque fois que je remontais à l’average, je rechutais dans la seconde pour retomber à 10/15BB. Et je luttais, j’attendais des cartes et hop, je remontais à 20BB. Puis 25. Puis 15. En bref, un tournoi bien loin du précédent puisque j’ai été tout du long dans le bas du tableau.
C’est là que le moral fait la différence. Le bounty aussi. J’aurais pu être tenté d’envoyer tapis dans certains spots "ok" mais comme j’étais certain d’être payé, je me suis retenu, j’ai pris sur moi et j’ai patienté au max.
Je suis donc arrivé à la bulle, short stack et bounty : le pire cocktail qui soit pour les nerfs. Si je bougeais, j’étais payé par la table entière. L’angoisse… Et pendant ce temps, deux autres petits tapis ont trouvé le moyen de doubler. J’étais donc désormais officiellement l’un des plus short à 37 left : il me fallait un mini miracle pour repartir avec les 16 000$ de la 36e place. Et mon miracle s’est appelé Kathy Liebert, qui, la pauvre, perd AK préflop contre AT chez Nguyen. Quelle cruauté mais surtout, quel soulagement pour moi…
J’ai ensuite été éliminé peu après sur un flip qui ne passe pas mais ce qui est certain, c’est que j’ai rarement joué aussi dur que sur ce tournoi. Imaginez-vous être short/moyen stack et ne pas pouvoir faire un c-bet en slip : pas facile hein ? Surtout quand vous passez des heures à rater vos flops ou vos tirages… En tout cas, ça m’a permis de voir l’importance de la résistance mentale: même avec 8/10BB et les poings liés, il faut savoir s’accrocher et ne pas craquer. Dans un tournoi, je ne le repeterais jamais assez, il faut tenter de rester en vie le plus longtemps possible, c’est la base!

Le Golden Gate Bridge, majestueux et tranquille...
Après ce trip californien qui aura donc été au final plutôt très agréable de bout en bout, je suis rentré à Londres avant de repartir le lendemain ( !) à Lille pour shooter un catalogue pour les vêtements JAQK dont je suis l’ambassadeur. Je n’ai pas besoin de vous dire à quel point j’aime poser pour des photos pendant des heures, en ayant très peu dormi, avec le décalage horaire en pleine poire et le visage maquillé… mais j’avoue qu’au final, l’expérience a été très sympathique grâce à l’ambiance qui règne entre nous tous (la belle équipe JAQK au complet et mon pote Jules @HoldemPix pour les photos).
Et là, pour la première fois depuis plus d’un mois, je suis enfin chez moi à Londres, tranquille à jouer online, manger un bout et écrire ce blog. Et croyez-moi, c’est pas mal non plus !
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