PPT:une finale en demi-teinte

En sortant de la table finale du PPT, j’ai répondu poliment à tous ceux qui m’ont félicité pour ma troisième place et j’étais très satisfait par le montant gagné, mais au fond de moi, je n’en menais pas large… J’avais la conviction d’être complètement passé à côté ; en fait, je n’étais, étrangement, tellement pas dans le jeu que j’ai eu l’impression de ne pas avoir joué cette partie.

Cette finale n’aura été pour moi qu’un enchainement de mauvais timing, mauvaises décisions, coups joués à l’envers et autres set up. En bref, une finale dans laquelle j’estime ne pas avoir bien joué et qui pourtant m’a rapporté le plus gros gain de ma carrière. Un véritable comble quand je repense à des finales WPT ou WSOP que j’ai bien jouées et dans lesquelles je n’ai pas gagné autant (loin de là)…

Les amis dans les gradins ont été d'un soutien précieux. Encore merci à tous ceux qui sont venus !

Je crois qu’une des explications réside dans le fait que j’avais beaucoup de pression sur les épaules. Dur, dur, de s’assoir serein quand on nous répète à longueurs d’interviews (je ne sais même plus combien j’en ai faites en deux mois) : "Fabrice, vous n’avez jamais encore eu de titres majeurs et il s’agit d’une finale comme on en n’a que trois ou quatre dans une vie de joueur. Comment allez-vous gérer si vous êtes éliminé neuvième ?"

Neuvième, ça aurait été difficile après que l’allemand ait été mis au banc pour lourdes présomptions de fraude, mais j’aurais effectivement détesté terminer ailleurs que sur le podium. Alors oui, je n’ai en effet probablement pas décidé de jouer pour la gagne. Car cela impliquait de trop gros risques et une déception énorme si je repartais septième avec moins de 200 000 euros en poche.

J’aurais pu 3-better plus souvent, payer/relancer les quelques fois où j’avais des suspicions plus ou moins lourdes de bluff en face, prendre plus de risques, mais jouer moins prudemment aurait aussi probablement signifié une élimination à la cinquième place quand je touche top two K-10 face à un brelan de 8 chez Vanessa sur un board K 10 4 8. Ce gros coup inévitable est le tournant de ma finale. Et puis l'américaine était intouchable : ce tournoi, tout le monde pressentait qu’elle allait le gagner car personne ne peut battre une joueuse de talent qui runne good.

Le moment des adieux à la table : l'une reste et l'autre part !

Je n’ai toutefois aucune amertume ni aucun regret par rapport à cette finale. Et pour rien au monde je ne changerais quoique ce soit ; ce serait presque un manque de respect par rapport à la taille colossale de la somme que j’ai remportée. Un demi-million d’euros, c’est juste monstrueux.
Mais cette finale m’a vraiment servi de leçon. Contrairement à un nouveau sur le circuit comme Raphael Kroll (qui a très bien joué tout du long) qui n’avait rien à prouver et pour qui faire la finale était déjà une victoire en soi, je me suis laissé toucher par les attentes que les gens avaient de moi : dur de partir dans les favoris !

Du coup, je peux vous garantir que ma prochaine finale, je la jouerai pour la gagne et libre de toute peur ou attente. Qu’importe ce qu’il y a au bout, qu’importe que je sois favori ou pas, je jouerai un poker qui me ressemble bien plus que ce que j’ai pu voir lors de la retransmission télé… C’est d’ailleurs probablement ce qui se serait passé pour moi si jamais il n’y avait pas eu deux mois d’attente et de stress qui ont sans aucun doute influencé mon jeu.

Pour terminer sur cette finale, je tiens particulièrement à remercier le groupe Partouche pour leur organisation et leur accueil chaleureux (chauffeur, belle suite, gradins pour la famille et les amis...).

Pression maximum pour un des seuls tournois de l'année offrant un prizepool aussi gros...

Cette expérience aura en tout cas été bien plus troublante que je ne l’aurais pensé et ce, à de nombreux niveaux. Car il n’y a pas que lors de cette finale que je pense ne pas avoir joué mon meilleur poker. C’est ainsi qu’à Enghien pour le BPT ou qu’à Barcelone pour le SPT, je pense avoir franchement mal utilisé mes jetons. Je n’étais pas vraiment concentré, jamais assez dans la partie et j’étais probablement encore en train de digérer cette finale. 

Sans compter toutes les autres affaires que je gère à côté et qui me prennent bien trop de temps et d’énergie. Il est tout simplement impossible de toute façon de bien jouer avec la tête farcie.

Quand je vois la chance que j’ai de participer à des tournois aussi beaux tout au long de l’année, je me dis que je n’ai absolument pas le droit de gâcher certains d’entres eux parce que je ne réussis pas à me concentrer suffisamment à la table. Surtout que je sais aussi que quand je réussis à jouer mon meilleur poker parce que je suis à 100% à la table, concentré et déterminé à gagner, je peux, si la chance est un peu de mon coté, vraiment aller très, très loin.

Cela fait maintenant plus de dix ans que je suis sur le circuit et j’ai encore eu la preuve que l’on continue d’apprendre tout le temps. Sur soi principalement parce que la discipline sait mettre le doigt sur les faiblesses que nous avons tous. Et que le poker ne pardonne pas ces faiblesses…

J’ai encore trois tournois à jouer (le Tournoi du Mazagan, la Finale du "3 lander tour" à Vienne et l’EPT de Prague). Et si ça ne marche pas dans ceux-là, je prendrai alors le meilleur de mes vacances et de mon Nouvel An au Brésil afin de revenir en pleine forme et plus déterminé que jamais à ne pas (plus)(moins) faire d’erreurs !