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Les tables électroniques sont-elles l'avenir du poker ?


Opinions
Par Tim Lavalli   
Jeudi, 30 Avril 2009 09:01


Imaginez une salle de poker où le dealer ne ferait absolument jamais d’erreurs. Une salle sans flops de quatre cartes, où on n’oublierait pas de brûler les cartes, où il n’y aurait jamais de maldonne. Où on pourrait aussi promettre qu’aucun joueur ne fait d'erreur de mise. Pas de string bet, pas d’underbet, pas de mains mal lues. Et où chaque joueur connaîtrait toujours la taille du pot, facilitant grandement le jeu en Limit. Où les pots secondaires se joueraient correctement, vite et efficacement. Où il n’y aurai pas d’overbet par erreur, parce qu’on n’a pas vu la couleur du jeton ou avancé par erreur un jeton trop gros. Est-ce qu’on ne jouerait pas mieux ainsi que dans la salle du coin de la rue, où tout le monde se trompe sans arrêt ?

C’est bien l'enjeu des salles de poker électroniques. Mais c'est aussi tout le dilemme. Car, apparemment, les joueurs aiment les croupiers en chair et en os, même s’ils font des erreurs. On pourrait penser qu’après avoir perdu une fois un gros pot à cause d’une erreur de donne ou de la mauvaise application d'un règlement par un floor, n’importe qui se précipiterait vers une table garantie "100% sans erreur". Et pourtant, ce n’est pas le cas. Du moins, pas encore.

Le rake est généralement plus faible aux tables électroniques sans dealer, or on sait que l’augmentation du rake est le grief Numéro Un des joueurs de poker live. Le nombre de mains par heure est aussi plus élevé aux tables électroniques. Quant à l’affirmation que le poker électronique se résume à "dix personnes bêtement assises autour d’une table, les yeux rivés sur un écran", elle est infondée dans les salles où nous avons joué. Il y a même plus d’interactions entre les joueurs des salles électroniques, et pas moins. Mais la transition est lente et dans certains cas, les tentatives de lancement de salles tout électronique ont abouti à des échecs.

tables_elec

Les "puissants" du poker s’intéressent pourtant beaucoup à son avenir électronique. Steve Lipscomb, le P.-D.G. du World Poker Tour, a affirmé à plusieurs reprises que les futurs événements WPT se dérouleraient certainement à des tables électroniques. Il est probable qu’une partie au moins des compétitions préliminaires passera à l’électronique dans un proche avenir. Jack Effel, directeur des tournois des World Series of Poker, nous a révélé qu’il était en pourparlers pour ajouter une salle électronique au complexe déjà gigantesque réservé aux WSOP dans le Rio de Las Vegas, peut-être même dès l’été prochain. Il s’agirait toutefois d’une salle de cash game et non d’une salle de tournoi, du moins la première année. La poker room du Rio, fief des WSOP, propose d'ailleurs déjà quelques tables électroniques en démonstration.

En fait, des tables électroniques de heads-up ont déjà fait leur apparition dans plusieurs salles de poker de Las Vegas, et la rumeur dit que des tables seront visibles sur plusieurs étapes de la prochaine saison de l’European Poker Tour. En 2007 et 2008, le tournoi Aussie Millions incluait dans ses préliminaires un tournoi entièrement électronique.

La résistance est d’autant plus surprenante que la majorité des parties de poker se joue en ligne : les parties live représentent moins de 5 % des mains distribuées dans le monde, et certains affirment même que cette estimation est largement gonflée -  la réalité serait plus proche de 1 %. Si c’est vrai, pourquoi les joueurs en live, qui ont sans doute aussi des comptes en ligne, sont-ils si réticents à l’entrée des tables électroniques dans les salles de poker ?

La réponse n’est certainement pas à chercher du côté de la technophobie : la plupart des joueurs ont un compte en ligne et jouent sur ordinateur. On entend plaider la cause des croupiers, le refus de les mettre au chômage, l’intérêt d’un "vrai" donneur pour le jeu. Mais on entend aussi tellement d’histoires d’erreurs de donneurs qu’on se demande si l’efficacité des tables électroniques ne finira pas par convaincre.

Alors, d’où vient cette résistance aux tables de poker électroniques ? Il y a des précédents dans notre environnement technologique. Prenez les distributeurs automatiques des banques : aujourd’hui omniprésents, ils n’ont pas toujours été bien acceptés à leurs débuts, au point d’être souvent réduits au rôle de DAB, de simples distributeurs de billets sans possibilité de dépôt, de virement ou autre. Le public ne pensait pas que ces machines sauraient correctement exécuter des transactions bancaires plus détaillées.

Cette méfiance envers les machines explique au moins en partie la réticence vis-à-vis des tables de poker électroniques. Tout le monde sait désormais qu’un générateur de nombres aléatoires est utilisé pour distribuer les cartes électroniques. On sait aussi, ou l'on devrait savoir, que le générateur n’est en réalité pas totalement aléatoire, et qu’il pourrait théoriquement être piraté. Et même si les risques de hacking sont bien moins importants que ceux de tomber sur un "vrai" croupier malhonnête, la crainte de la machine subsiste.

Il existe un autre facteur psychologique, encore plus profond, qui motive les campagnes pour la protection des dealers de poker. Avec un croupier en chair et en os et de vraies cartes, on peut tenir ses cartes et en jouer. On a aussi de vrais jetons. Quand on a joué dans une salle de poker entièrement électronique, on sait que la principale différence est l’ambiance sonore : une salle électronique est silencieuse, sans le bruit de dix, vingt ou cent joueurs agitant nerveusement leurs jetons.

La sensation tactile de vraies cartes et de vrais jetons est un composant psychologique essentiel d’une partie de poker live. La plupart des joueurs n'en sont peut-être pas conscients. Ils savent juste que jouer à une table électronique est différent et ne procure pas les mêmes "sensations". C’est cette absence du contact des jetons et des cartes qui rend la table électronique si austère pour de nombreux joueurs réguliers du poker live. C’est une réaction humaine profonde, la même qui fait qu’une course de chevaux est très différente selon qu'on la suit en direct ou à la télévision : l’être humain veut entendre les sabots, voir l’herbe, toucher les cartes et faire claquer les jetons.

Les tables électroniques sont-elles l’avenir du poker ? Peut-être... Mais il nous faudra dépasser quelques vieux comportements très humains avant de laisser Hal 9000 et ses collègues nous distribuer les cartes.

 

Tim Lavalli est le correspondant de MadeInpoker aux Etats-Unis
Traduction : Suzanne Assénat

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