L'édition des World Series Of Poker 2010 a été suivie par plus de 400 journalistes venus de 39 pays. Une affluence désormais digne des plus grandes compétitions sportives internationales !
Les tournois de poker sont aujourd'hui envahis par des reporters dépêchés non seulement par les médias spécialisés, mais aussi par des journaux généralistes et de plus en plus de médias audiovisuels. Depuis quelques années les photographes se joignent aux cortèges des journalistes, agrémentant les reportages de clichés parfois saisissants et contribuant à la médiatisation grandissante du poker.

Affluence médiatique
Madeinpoker a rencontré les principaux photographes français spécialisés dans le poker pour tenter de comprendre comment ils vivent leur immersion dans ce milieu d'initiés.
Hugues Fournaise, Guillaume Carron ou David Avron ont tous trois un point commun. Ils ont commencé la photographie et le poker par passion. Si les deux premiers en ont fait un métier après avoir travaillé dans l'univers des jeux vidéos et de la télévision, le troisième travaille hors du monde du poker et effectue des clichés pour l'association PokeraLille. Jules Pochy, notre collaborateur, est lui venu au poker par amitié, créant Madeinpoker avec Fabrice Soulier, avant de se prendre de passion pour cet univers si particulier.
L'importance prise par l'image est à la mesure de l'évolution du secteur.
Une croissance qui a logiquement suivi l'explosion du poker, faisant de cette discipline un véritable phénomène de société avec ses vedettes, ses codes et bien sur son inévitable médiatisation, généralement amplifiée par quelques sociétés importantes, désireuses de conforter leur notoriété.
Aujourd'hui lors des grands tournois, il n'est pas rare d'assister à des photocalls rappelant les festivals de cinéma.
Présent sans interruption sur le circuit depuis plusieurs années, Jules Pochy a clairement ressenti cette évolution :"En quatre ans, j'ai vu l'intérêt grandissant que les medias spécialisés ont accordé à l'image. Aujourd'hui les principaux magazines, les pokerrooms pour leurs joueurs et bien sur les sites d'actualités sur le poker sont beaucoup plus exigeants en terme de qualité des images. Cela me réjouit d'autant plus que cette exigence a toujours été l'une des principales lignes conductrices de MadeinPoker".
"PokerFace" et discipline assise font du poker un sujet de photo idéal.
Mais mis à part leur passion pour le jeu, qu'est ce qui a retenu tous ces photographes autour des tables si longtemps ? David Avron nous apporte un élèment de réponse : "Novice complet dans la photographie, il y a 3 ans je décide d'investir dans un Reflex Canon et me mets à lire beaucoup d'articles techniques sur le sujet. A force de shooter, je m'aperçois vite que je préfère les portraits... ce qui m'amène à proposer mes services à Pokeralille", explique David qui définit le poker comme un "excellent sujet de photographie". "Le poker est rempli d'émotions et de moments magiques", s'enthousiasme Hugues Fournaise. "Il règne souvent une certaine pression à table et les personnes oublient très vite les photographes. Concentrés, ils sont dans leur bulle", explique David Avron.
Jules Pochy, qui a longuement officié dans le milieu du cinéma, ajoute : "Prendre des photos au poker c'est comme être photographe de plateaux, tu as des personnages regroupés dans un décors confinés, qui vivent des émotions intenses, le tout sans bouger !"
"On peut donc saisir beaucoup de choses sur les visages. Les sujets ont toute une palette d'expression et pourtant ils ne bougent pas", ajoute Guillaume Carron.

Les photographes sont proches des joueurs, tout proches...
Avec le temps qui passe, la résistance physique et mentale fluctue. Les joueurs sont focalisés sur le jeu et ne voient plus ce qui se passe autour. "Techniquement, le fait que les joueurs ne bougent pas permet d'atteindre un niveau de netteté parfait pour des photos prises en basse lumières et a des vitesses très faibles", indique Hugues Fournaise. Un paramètre important puisque les salles de tournois sont interdites au flashs. Un photographe indélicat l'avait utilisé à Monaco, déconcentrant et provoquant l'énervement de Phil Ivey et donc l'impossiblité de travailler sereinement pour les photographes suivants. La relation avec les joueurs est pourtant souvent beaucoup plus facile à gérer qu'il n'y parait. Le milieu du poker est encore en plein essor et les stars du jeu n'ont pas encore tous pris la grosse tête. Les amateurs et les pro moins connus se laissent photographier avec plaisir. "Ils aiment cela", renchérit Hugues Fournaise.
Une surexposition qui a modifié l'atmosphère confinée dans laquelle se déroulait jusqu'à ces dernières années les tournois de poker. Paradoxalement, les joueurs qui pourraient s'estimer dérangés dans la pratique de leur art sont souvent demandeurs. Ils cherchent à savoir où ils peuvent regarder les clichés, tentent de convaincre les photographes que cette image est meilleure que celle là. Une discussion s'organise, un échange se met en place. "J'essaie d'être neutre quand je fais un reportage photo... j'essaie car il se crée une certaine conivence, certains joueurs m'appellent pour me raconter un coup, d'autre pour me faire photographier leur jeu, les as en général", rigole David Avron qui ne s'est jamais vu opposer un refus de photographie par un joueur. C'est d'ailleurs assez rare, seul Tobey Maguire [l'acteur interprétant Spiderman] est connu pour avoir refusé de se prêter au jeu lors des WSOP 2007.

Parfois les joueurs oublient l'objectif !
Pour Guillaume Carron, "des affinités se mettent en place" puisqu'il ne se "positionne pas du tout comme un concurrent et les joueurs voient que je suis sincère lorsque je me réjouis de leurs succès". Personne n'a la prétention d'expliquer à Fabrice Soulier ou Eric Hailk la bonne manière de jouer. Les preneurs d'images peuvent jouer le rôle de support moral dans une atmosphère de féroce compétition. "Je pense connaitre personnellement 99,99 % des joueurs du circuit français. Reste un certain David [Benyamine] qui vit a Vegas. Certains sont même devenus des amis proches... bien sûr que je les encourage et compatis a leurs défaites", explique Hugues Fournaise. Et un peu de soutien ne fait jamais de mal dans un jeu où vous vous retrouvez souvent seul face à vous même et à vos choix.
Une complicité, qui si elle est agréable, fait parfois perdre un peu de spontanéité et de naturel aux clichés, Jules Pochy avouant : "La majorité des joueurs acceptent, voire apprécient, d'être pris en photo, mais avec l'expérience tu apprends qu'il y a des moments où il vaut mieux éviter de les shooter. A force de nous voir tourner autour des tables, certains joueurs adoptent des poses "clichés" toutes faites, jouant les méchants ou les séducteurs. Ca peut faire de jolies photos, mais qui sont répétives et perdent de leur force et de leur originalité", avant de continuer : "Comme tout photographe, je m'imprègne des émotions du sujet. Je vis au rythme du milieu dans lequel j'évolue et je partage les émotions de la personne que je suis en train de photographier. Il m'est arrivé de devenir superstitieux, craignant de "faire" perdre un coup à un joueur de part ma présence ou espérant au contraire devenir un porte-bonheur et je ressens parfois les bad beats comme une atteinte personnelle".
Les photographes contribuent à la légende du poker
Mais si des photographes de renom -et de talent- comme nos experts français ou le célèbre Neil Stoddart [le photographe officiel de tous les EPT] réalisent des instantanés aussi forts, c'est que le poker revêt une dimension unique, parfois mystique. Jules Pochy insiste : "Le poker est un sujet passionnant à photographier, c'est une métaphore de l'existence humaine, où neuf joueurs vivent, ressentent et dégagent les sensations exacerbées de l'existence dans un espace réduit."

Même quand Neil Stoddart prend une photo c'est de l'art...
Autant de raisons, artistiques et esthétiques, mais aussi économiques et médiatiques, qui font que les photographes du poker sont devenus des intervenants essentiels du circuit. D'ailleurs Jules Pochy a été contacté pour concevoir un livre avec ses plus belles photos. Evidemment intitulé Madeinpoker, l'ouvrage, aux Editions Inculte, sortira en librairie le 10 novembre. Une consécration pour notre collaborateur, premier français à avoir apporté une dimension professionnelle et artistique aux images du poker, et pour l'ensemble de cette profession indispensable.
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Quelques photos de Hugues "Def" Fournaise
Le site web de Carron Design
Le site web de PokeraLille
La présentation du livre de Jules Pochy
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