Le fameux projet de loi sur l'ouverture du marché des jeux sur Internet a donc été présenté hier. C'est une excellente chose, pour un texte très attendu qui marque une étape historique en France et va enfin permettre aux jeux d'argent de trouver une place parfaitement légitime dans le paysage économique, social et médiatique français.
Pour autant, sous sa forme actuelle, le texte de loi suscite quelques interrogations, et même, de mon point de vue, quelques inquiétudes.
On le sait, la démarche de cette loi est d'instaurer des licences pour des opérateurs dûment agréés par l'Etat français. A compter de l'année prochaine, on trouvera donc deux types de sites de jeux : ceux agréés par l'Etat, sur lesquels les internautes français pourront jouer, et tous les autres, considérés comme "illégaux".
C'est déjà mieux qu'aujourd'hui, me direz-vous, car - aux yeux du gouvernement - tous les sites de jeu actuels sont illégaux (et oui, chers amis joueurs de poker en ligne, jusqu'alors, nous étions tous - sans le savoir - des criminels !).
Donc, à l'avenir, des sites "légaux" - dont certains seront les sites "illégaux" d'hier - feront leur apparition, tandis que les "mauvais sites" demeureront "illégaux".
Le "jardin clos" du jeu en ligne
Ce distinguo est la clé de voûte du projet, mais ses conséquences ne sont pas neutres. Le Ministre l'a souvent rappelé, et le projet en fait clairement mention : les transactions financières vers les sites "illégaux" seront bloquées, de même que l'accès à ces sites "illégaux".
Bloquer l'accès à des sites Web ? Hum. Comme en Iran ? Comme en Chine ?
A peu de choses près, un joueur français pouvait jusqu'à présent jouer sur n'importe quel site, partout dans le monde. Ce ne sera plus le cas. Pour le poker, on avait jusqu'alors le choix entre plusieurs centaines de sites, proposant des bonus, des offres de rakeback, des skins, des tournois, des variantes, bref des offres très différentes les unes des autres. On pouvait comparer, changer d'endroit, jouer sur plusieurs sites à la fois. Ce temps là sera bientôt révolu. A partir de dorénavant, le joueur français ira jouer là où on lui dit de jouer.
Certes, on comprend la logique du dispositif. Comme me le confiait récemment un opérateur de jeu - qui attend de pied ferme l'attribution de sa licence en France -, pourquoi un opérateur payerait-il des taxes lorsqu'il propose du jeu en France, tout en voyant agir des opérateurs offshore permettant aux français de jouer sans payer de taxes ?
Malgré tout, interdire l'accès, depuis le territoire hexagonal, à des centaines de sites, est pour le moins violent. L'une des conséquences - sans doute marginale, mais étonnante - est d'ailleurs que les étrangers de passage en France ne pourront plus accéder aux sites sur lesquels ils jouent habituellement (ils ne pourront pas non plus, ne disposant pas d'adresse en France, s'inscrire sur des sites français). C'est un peu comme si, en téléphonie mobile, on interdisait le roaming, le téléphone d'un touriste cessant de fonctionner dès qu'il arrive en France...
Du reste, du fait de la taxation, on voit mal comment des joueurs français et étrangers pourraient se retrouver sur une même table de poker en ligne, les premiers étant taxés par l'Etat français sur leurs mises (à hauteur de 2%), les seconds ne l'étant pas. Il est donc peu probable que les sites "légaux" français ouvrent leurs services à des étrangers, et il sera difficile pour les sites étrangers de traiter le cas particulier français.
Dans le jargon de l'informatique et des télécommunications, ce que prépare le gouvernement s'appelle un "jardin clos". Un dispositif qui fonctionne bien, mais uniquement à l'intérieur de murs virtuels au sein desquels le jeu d'argent sera désormais confiné.
Protéger les minorités
Dans la présentation de son projet de loi, le Ministre s'est par ailleurs longuement étendu sur la question de l'addiction au jeu. Un dossier complet est consacré au caractère dangereux du jeu d'argent et aux joueurs devenus "dépendants" aux jeux. Selon les documents du ministère, ces joueurs représentent 3% de l'ensemble. Et le législateur a prévu de nombreux dispositifs de prévention, de prise en charge de ces joueurs et de lutte contre les dangers de l'addiction. C'est une très bonne chose. Comme le soulignent souvent les spécialistes, ces joueurs sont "malades" et susceptibles de gravement mettre en péril leur situation personnelle et celle de leur entourage familial.
Néanmoins, on aurait aimé aussi que figurent dans le projet de loi quelques lignes sur les autres joueurs. C'est-à-dire les 97% de joueurs qui ne soufrent pas d'addiction, et considèrent le jeu comme un plaisir, un amusement, un loisir.
Car ces joueurs ont - eux aussi - le droit d'être protégés, ou tout au moins d'avoir quelques garanties. Comment les sites agrées par l'Etat français seront-ils audités ? Comment les logiciels utilisés - ou les algorithmes de distribution aléatoire des cartes au poker - seront-ils vérifiés ? Qui surveillera les sites, pour lutter contre la triche, la collusion et toute autre forme de jeu déloyal ? Comment - et en combien de temps - un internaute français pourra-t-il retirer ses gains ? De tout cela, il n'est jamais fait mention dans le projet de loi. C'est bien dommage.
Peut mieux faire ?
Sous sa forme actuelle, le loi de régulation du marché des jeux en ligne comporte de nombreuses zones d'ombre. Mais on peut craindre qu'un tel texte n'améliore pas considérablement les choses, au moins du point de vue des joueurs.
Les seules quasi-certitudes que l'on puisse avoir pour l'heure est que, à compter de 2010 :
- Les internautes français n'auront plus qu'un choix très réduit de sites sur lesquels jouer et ne pourront certainement plus jouer où bon leur semble ;
- En particulier, les joueurs français auront du mal à jouer à l'étranger, et les joueurs étrangers ne pourront pas jouer en France ; il est très probable que les parties de poker en cash game se limitent à un public 100% franco-français - tant pis pour la belle idée du "village mondial" ;
- Jouer coûtera plus cher qu'avant et, pour le poker, du fait d'un rake plus élevé, les parties seront forcément moins rentables qu'auparavant ;
- Le joueur français n'aura pas beaucoup plus de garanties, quant à la fiabilité et à l'honnêteté des logiciels utilisés par les salles de jeu, qu'il n'en avait jusqu'alors.
Est-ce le prix à payer pour "l'ouverture" ?
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Pas faux, mais pas vrai, car la loi stipule que l'hébergement de salle de jeux est répréhensible, non pas le fait de jouer!
Par contre je suis tout à fait d'accord avec toi, 2nd loi liberticide en 1 mois pour le gouverneuneument de Mister S. avec Hadopi ...
Bravo,
J'ai envie de dire quand est-ce qu'on déménage la Suède en Espagne... parce que bon la suède c'est sympa, mais il fait froid!